Libro de Gloria Caceres Vargas |
Mai 2011 : Interview de l’auteur quechua Gloria Caceres Vargas pour la publication de Wiñay suyasqayki, Te esperaré siempre (“Je t’attendrai toujours”), un recueil de nouvelles bilingues quechua-espagnol
Gloria Caceres Vargas est née au Pérou à Colta, dans le département d’Ayacucho. A partir de ses 7 ans, son enfance s’est déroulée entre la région de Lima et son village natal. Elle garde de ces séjours à Colta un souvenir émerveillé, avec en toile de fond sa langue et sa culture quechua.
Plus tard, alors qu’elle est devenue professeur, elle rencontre un linguiste chilien qui travaille sur des langues autochtones du Costa Rica, et c’est alors que se produit le déclic : elle doit elle-même faire quelque chose pour sa langue maternelle, le quechua.
Gloria, votre premier acte « militant » a été d’apprendre à écrire le quechua, et ensuite de l’enseigner ?
Oui, alors que j’étais déjà chargée d’enseignement à l’Université Nationale de l’Education, je me suis inscrite, dans la spécialité « linguistique quechua ». Et j’ai obtenu une Maîtrise en Sciences de l’éducation avec une enquête sur la morphosyntaxe quechua de mon village.
A partir de 1991, j’ai orienté mon travail d’enseignement et de recherche vers l’enseignement du quechua. J’ai organisé des discussions, des ateliers de sensibilisation sur la culture et la langue, et des cours pour apprendre à l’écrire.
La plupart des étudiants à l’université étaient des migrants ou des enfants de migrants de la région andine. Quelques-uns parlaient le quechua, d’autres le comprenaient seulement. Et quand ils ont appris à l’écrire, ils ont commencé à rédiger des poèmes, des histoires, des chansons etc. en quechua. Ce fut une expérience merveilleuse parce que cela a été pour eux une redécouverte d’eux-mêmes.
Et puis vous vous êtes mise à écrire vous-même en quechua. Qu’est-ce qui vous a motivée ?
Le manque de documents publiés en langue quechua. Mes élèves avaient bien appris à lire en quechua mais… ils n’avaient rien à lire ! Il n’y avait pas de livres en langue quechua, ni même bilingues. Nous n’avions pas un manuel, pas une grammaire élémentaire de la langue.
Cette carence, et l’intérêt de mes élèves, m’ont encouragée à élaborer tout d’abord des matériels éducatifs, des manuels et des cahiers en quechua, à collecter des devinettes, appelées watuchis, des contes, des récits de la tradition orale, des poèmes etc., que j’ai ensuite rassemblés dans un premier livre bilingue (quechua-espagnol) “Riqsinakusun, Apprenons à connaître”.
Vous êtes ensuite passée à l’écriture originale, à la littérature, pourquoi ?
À l’heure actuelle il n’y a pas beaucoup de livres écrits en quechua. Il y a des récits issus de la tradition orale, des contes, des mythes, des légendes expliquant l’origine de tout ce qui entoure immédiatement les locuteurs, mais c’est insuffisant pour assurer l’avenir de la langue. Nous ne devons pas la voir seulement comme une langue destinée à chanter le passé glorieux de l’époque des Incas, mais la considérer comme une langue dans laquelle nous pouvons exprimer toutes nos préoccupations et nos sentiments actuels.
Il faut donc promouvoir la production de littérature en langue quechua, la considérer comme une langue littéraire, moderne et actuelle. Le quechua est une langue si expressive et riche dans tous les sens, il faut essayer de maintenir sa vigueur à travers l’écriture de poèmes, de récits, d’essais etc.
Il faut aussi inciter à la traduction de textes littéraires d’écrivains péruviens et universels. C’est crucial parce que c’est une façon non seulement d’apprécier et de comprendre ce qui est proche mais aussi de se projeter dans la connaissance d’autres réalités.
Et qu’avez-vous écrit vous-même ?
Pour le moment, j’écris de la poésie et des nouvelles originales.
Il y a quelques années, alors que j’étais répétitrice de langue quechua à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) à Paris, j’ai été encouragée par le Professeur César Itier à publier un second livre, un recueil de poèmes intitulé Munakuwaptiykiqa, Si tú me quisieras (Si tu m’aimais).
Et voici à présent Wiñay suyasqayki, Te esperaré siempre (Je t’attendrai toujours), un livre de nouvelles sur ceux qui émigrent vers les villes mais gardent une vision bucolique de leur patrie et rêvent toujours d’y revenir, alors que la vie change et qu’eux-mêmes changent à la suite de leurs expériences.
Pourquoi toujours publier des ouvrages bilingues ?
J’écris d’abord en quechua car c’est ma langue maternelle, et ensuite je traduis car les locuteurs ne savent pas encore lire uniquement en quechua, même les locuteurs natifs. C’est dû au fait que nous avons été instruits seulement en espagnol, mais c’est en train de changer dans de nombreux endroits où les programmes de l’Education Interculturelle Bilingue sont en place.
Qu’est-ce que cette Education Interculturelle bilingue ?
La loi péruvienne permet actuellement aux jeunes des régions andines et amazoniennes d’avoir accès aux universités sans examen d’entrée. Ils doivent juste être présentés par leur communauté à l’université qu’ils ont choisie, avec un engagement de revenir à leur communauté pour exercer leur métier, une fois diplômés.
A partir de l’an 2000, l’Université Nationale de l’Education a donc mis en place une Spécialisation en Education Interculturelle Bilingue (EBI), destinée à ces jeunes. La maîtrise de leur langue maternelle, qu’elle soit andine (quechuas et / ou aymara) ou amazonienne (16 familles de langues) a été l’exigence principale pour être formé comme enseignant.
C’est ainsi que l’université a accueilli des étudiants autochtones Huitoto, Awajun, Ashaninka, Ese-ejas-, Quechua, Aymara etc. Les débuts n’ont pas été faciles pour eux car ils se retrouvaient dans un environnement très différent, mais ils ont réussi et ils sont ensuite retournés dans leurs communautés pour enseigner. Et personne ne peut mieux qu’eux revitaliser, préserver et transmettre leurs langues aux nouvelles générations.
Et quels sont les résultats de cette politique ?
Aujourd’hui, plusieurs promotions de professeurs bilingues ont déjà reçu leurs diplômes. Dans les écoles où ils sont en poste, les enfants acquièrent d’abord les quatre compétences de base (parler, comprendre, lire et écrire) dans une leur langue maternelle, qu’elle soit andine ou amazonienne. L’espagnol est ensuite enseigné comme langue seconde.
Mais dans la pratique, les situations ne sont pas uniformes : dans certains endroits, les progrès sont évidents dans la préservation de la langue maternelle et la mise en place progressive d’un bilinguisme équitable, où le locuteur peut s’exprimer de façon optimale dans les deux langues. Dans d’autres, il y a encore un fort rejet de tout ce qui est indigène. Et enfin, certaines zones sont bien connues pour être en complète voie d’hispanisation, au détriment des langues autochtones.
Bibliographie de Gloria Caceres Vargas
1. Riqsinakusun. Conozcámonos, (Apprenez à connaître), 1996. Collection de devinettes quechua (watuchis), chansons, poèmes, histoires courtes. Bilingue quechua-espagnol.
2. Munakuwaptiykiqa, Si tú me quisieras, (Si tu m’aimais), 2009. Recueil de poèmes qui «chante la fragilité de l’amour et la solitude de l’être humain dans un univers contradictoire, mystérieux et inquiétant» (César Itier). Bilingue quechua-espagnol.
3. Wiñay suyasqayki, Te esperaré siempre, (Je t’attendrai toujours), 2010. Livre de nouvelles sur ceux qui émigrent vers les villes avec au cœur la nostalgie et l’espoir de revenir dans leur village. Bilingue quechua-espagnol.
Pour acheter les livres de Gloria Cacers Vargas
A Paris:
- Librairie El Salon del Libro, rue des Fossés Saint-Jacques, 75005 – Paris.
Téléphone: 09 51138695
- Boutique péruvienne El Inti, 17, rue de Picardie, 75003 – Paris.
Téléphone: 01 42782582
A Lima:
- Librairie Viceroy
- Librairie Times, San Isidro
Par mail : Gloria Caceres Vargas
Pour en savoir plus sur la famille des langues quechua.
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